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Loi Duplomb : le gouvernement avance ses arguments sur l’acétamipride

La réintroduction de l'acétamipride, pesticide néonicotinoïde pour lutter contre les pucerons sur les betteraves sucrières, est au cœur des débats.

Dans un document destiné au Conseil constitutionnel et dévoilé avant sa publication officielle, le gouvernement pose ses arguments selon lesquels la réintroduction de l’acétamipride respecte la Constitution.

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Des produits avec des « incidences sur la biodiversité », mais un « intérêt général » pour le secteur agricole. Voici comment pourrait être résumée la position d’équilibriste du gouvernement en faveur de la loi Duplomb, pour convaincre le Conseil constitutionnel de réautoriser, à titre dérogatoire, certains produits phytosanitaires, comme l’acétamipride. Ce dernier devrait rendre sa décision sur la controversée loi « Entraves » aux alentours du 7 août 2025.

Comme pour chaque loi ordinaire dont est saisi le Conseil constitutionnel, le gouvernement lui a partagé ses « observations » dans un document du 28 juillet 2025. Normalement publiées au Journal officiel en même temps que la décision du Conseil constitutionnel, ces observations ont cette fois-ci été révélées avant leur publication par le cabinet d’avocats Gossement jeudi 31 juillet.

L’objectif pour le Gouvernement est de convaincre le Conseil constitutionnel de ne pas censurer les dispositions contestées de la loi (réintroduction à titre dérogatoire de l’acétamipride, fin de la séparation conseil et vente de pesticides, mesures sur les ICPE et projets de stockage d’eau) en faisant valoir que ces dernières sont conformes au bloc de constitutionnalité, en particulier la Constitution et la Charte de l’environnement.

Sur la réintroduction à titre dérogatoire de l’acétamipride (et potentiellement du sulfoxaflor et du flupyradifurone, des insecticides proches des néonicotinoïdes) le gouvernement établit un état des lieux des connaissances scientifiques sur le sujet dans ses arguments. S’il rappelle que l’Efsa (l’Agence européenne de sécurité des aliments) « soulignait la limite des données scientifiques disponibles sur le sujet » il conclut, au regard de l’état actuel de la science, que les substances ont « des incidences sur la biodiversité, des conséquences sur la qualité de l’eau et des sols et induisent des risques pour la santé humaine. »

Limitation « proportionnée » au droit

Ces risques pourraient, selon les opposants au texte, être en opposition avec l’article 1er de la Charte de l’environnement (soit le « droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé »), concède le gouvernement. Mais « la limitation apportée par les dispositions déférées au droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé est justifiée par plusieurs motifs d’intérêt général ». Parmi lesquels l’absence d’alternatives, une perte des rendements importants (en particulier pour la filière noisette), ou un décret de dérogation « strictement conditionné »…

L’objectif du gouvernement se résume en une — longue — phrase : « Permettre aux filières qui ne disposent pas de solution alternative à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances néonicotinoïdes de poursuivre leurs activités, sans pâtir d’une concurrence déloyale des producteurs établis dans d’autres États membres de l’Union européenne et autorisés à utiliser de telles substances. »

Cette limitation au droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux est donc « proportionnée aux objectifs qu’elle poursuit », conclut le document.

L’exécutif a également considéré que les autres dispositions mises en cause (les mesures sur les ICPE, les projets de stockage d’eau et la fin de la séparation du conseil et de la vente) n’étaient pas contraires à Charte de l’environnement.

Le « principe de non-régression environnementale » défini dans le code de l’environnement et brandis par les opposants comme moyen pour le Conseil constitutionnel de censurer le texte (en particulier sur les ICPE) n’est dans ce cas « pas invocable », d’après le gouvernement. Il s’appuie sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel (soit d’autres décisions de justice antécédentes, N.D.L.R). Les Sages avaient, en 2020, « refusé de consacrer l’existence d’un principe constitutionnel de « non-régression » ».

Alors que les observations auprès du Conseil constitutionnel font l’objet d’une relecture lors d’une « réunion interministérielle », le ministère de l’Agriculture semble avoir gagné la bataille au sein de l’exécutif pour imposer sa vision face à la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, qui avait répété son opposition à la réintroduction de l’acétamipride fin mai.

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